Chronique n°6 : SARAJEVO

Mis à jour le 19/01/2015
Centenaire de la guerre 1914-1918

1 - SARAJEVO

On dit que l’attentat de Sarajevo, l’assassinat fin juin 1914 de l’archiduc François-Ferdinand par Gavrilo Princip, un Serbe de Bosnie, constitue l’étincelle qui a déclenché la Première guerre mondiale.

Rappelons les éléments suivants. Les assassinats de hauts dignitaires sont monnaie courante au tournant du siècle. Entre 1865 et 1914, trois présidents des États-Unis, un président français, un tsar russe, les rois d’Italie, de Serbie, de Grèce et du Portugal, l’empereur du Japon, une impératrice d’Autriche et plus d’une douzaine de ministres dans le monde ont été abattus. Déjà en 1910, un nationaliste essaie d’assassiner le gouverneur autrichien de la province à Sarajevo. Il est pris, condamné à mort, exécuté. Sa tombe devient un lieu de pèlerinage. Gavrilo Princip s’y recueille la veille de son acte du 28 juin 1914.

Deuxième point : au premier semestre 1914, paradoxalement, l’heure est plutôt à la détente dans les relations internationales. A titre d’exemple, le 20 janvier 1914, le très revanchard président Poincaré se rend à une réception donnée à l’ambassade d’Allemagne. C’est la première fois depuis 1871 qu’un président de la République accepte pareille invitation. Certes, depuis le début du siècle, la Serbie accentue sa pression nationaliste et se pose en protectrice des Slaves du sud. Mais elle n’agit pas autrement que l’Allemagne ou l’Italie l’avaient fait en leur temps pour obtenir un état à la taille de leur nation. Certes, les manœuvres serbes sont une menace pour l’unité de l’empire austro-hongrois. Mais la Serbie est épuisé par les guerres balkaniques de 1912 et 1913 et ses responsables ne veulent pas d’un nouveau conflit. Enfin, en Autriche, l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône, est un libéral, favorable aux minorités slaves. Il s’emploie à promouvoir les idées de paix.

En réalité, ce sont précisément ces idées et ces hommes que rejette la minorité des "durs" qui s’active dans les milieux intellectuels, politiques et militaires de tous les pays. Gavrilo Princip déclare à son procès : « Comme futur souverain, François-Ferdinand aurait entravé notre union en réalisant certaines réformes qui seraient évidemment allées à l’encontre de nos intérêts. » Il ne faudrait pas que des Slaves se sentent bien sous administration austro-hongroise !

Quoi qu’il en soit, l’attentat de Sarajevo n’aurait pas dû réussir. Ses très jeunes acteurs sont aussi bavards qu’incompétents. En outre, le gouvernement serbe lui-même prévient Vienne des projets conduits par des éléments nationalistes incontrôlés. L’entourage de l’archiduc fait tout pour dissuader François-Ferdinand d’une visite à Sarajevo. Mais l’héritier du trône met un point d’honneur à assumer les responsabilités de sa charge. La sécurité et l’organisation sont si négligées qu’on soupçonnera un laisser-aller intentionnel, la mort du prince défenseur de la paix arrangeant les fauteurs de guerre de tous bords.

Paradoxalement, dans la crise diplomatique qui suit, François-Ferdinand devient le prétexte à une guerre qu’il ne voulait pas. Les capitales d’Europe centrale et de l’est haussent le ton et font des préparatifs militaires. Londres cherche l’apaisement. Paris laisse faire, même si tout le monde voit bien l’absurdité que constituerait une guerre entre la France et l’Allemagne pour régler un problème en Bosnie.

Quant à l’opinion française, durant le mois de juillet, elle se passionne pour... le procès de Madame Caillaux. Il faudra un nouvel assassinat, non pas dans la lointaine Bosnie mais en plein Paris cette fois, pour retenir toute l’attention des Français et faire comprendre que la guerre est là. Jean Jaurès, le militant de la paix, est abattu le 31 juillet au soir.

Une du journal LE FIGARO - 29 juin 1914

Une du journal LE FIGARO - 29 juin 1914

 

2 - LA GUERRE A TOUTE ALLURE

Fin juillet début août 1914, tout va très vite. En une semaine, la guerre est déclarée sur la plupart du territoire européen.

Certes on vit depuis des années dans une sorte de paix armée. Les effectifs sous les drapeaux atteignent une ampleur inconnue en temps de paix. Les convocations de réservistes sont plus fréquentes et plus longues. Mais la diplomatie en Europe est au sommet de son art. Les grandes puissances ont l’habitude de se rencontrer et de gérer ensemble les tensions. Les ambassadeurs se connaissent personnellement, ont une culture politique commune et trouvent chaque fois une solution aux crises.

Cette fois pourtant ils donnent l’impression que l’affaire leur échappe. Ils sont incapables d’empêcher un incident régional de dégénérer. Même difficulté pour les responsables politiques. Ils semblent piégés. Les états sont arrivés à un tel degré de complexité que l’armée et l’administration s’imposent aux gouvernements au moins autant qu’ils s’imposent à elles.

Pris de court, les acteurs politiques, cèdent à la pression des états-majors qui assurent que les plans ne permettent pas d’attendre sans risquer de donner l’avantage à l’ennemi. Le temps n’est plus à la réflexion. La meilleure défense, c’est l’attaque. Les généraux arrachent à Nicolas II l'ordre de mobilisation générale le 30 juillet. Guillaume II est bousculé par l'état-major qui affirme qu’il faut la guerre immédiatement sauf à mettre l'Allemagne en danger. Le gouvernement français est soumis au chantage du général Joffre qui le presse de prendre les premières mesures d’urgence et jette sa démission dans la balance.

Tous les motifs d’apaisement sont balayés. Que ce soient les appels des mouvements socialistes européens ou les liens familiaux des dynasties régnantes britannique, allemande et russe, rien n’y fait.

D’un seul coup la guerre est là. Il faudra ensuite des années pour en sortir.

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Une du journal LE FIGARO - 04 Août 1914

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"Aquittement de Mme CAILLAUX" dans La Lozère républicaine, 1er août 2014 - AD48, 1PER 220

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"Hommage à JAURES" dans La Lozère républicaine, 1er août 1914